A hard pair we will be - Rudora

Il avait perdu, mais il ne le savait pas encore. Sautillant d’un pied sur l’autre en le regardant se relever, Ruby savourait déjà sa victoire. Il s’agissait évidemment de ne pas baisser sa garde, le combat n’était pas terminé le temps qu’il n’était pas au sol. Cela de tarderait cependant pas. Du revers de son bras droit, elle essuya la sueur coulant sur le front de la combattante qu’elle était devenue, finissant dans les cheveux extrêmement courts et d’un noir profond de celle dont elle prenait l’apparence chaque fois qu’elle descendait dans l’arène. Cela lui arrivait moins souvent qu’elle ne l’aurait souhaité. Il ne fallait surtout pas qu’elle risque d’abimer le joli visage qu’il y avait en-dessous du sien (oui, pour ceux qui se le demandaient, les bleus restaient bien après transformation), ou pire, se retrouver blessée et risquer que quelqu’un fasse le lien. Et par quelqu’un, elle entendait bien sûr Theodora Avery. Un jour, un des risques qu’elle prenait finirait par lui exploser à la figure. Un jour. Mais pas ce jour-là. Ne pas la regarder. Se concentrer sur son adversaire. Et sur le moment exact où il achevait de se redresser, cet infime instant où son équilibre devenait fragile, elle lui porta le coup de grâce, directement dans le plexus. Souffle coupé, il commença à basculer. Se ramasser sur elle-même, décocher un coup pour le plaisir dans les jambes, bondir sur lui, passer son bras sous sa gorge, serrer jusqu’à évanouissement … et c’était terminé.

Les sons, qui ne l’avaient pas quitté pendant le combat, se firent plus forts alors qu’elle se relevait pour lever la main, saluant ceux qui avaient misé sur elle pour les remercier de leurs encouragements. Et parmi eux … elle était là. Theodora Avery. Ne jamais trop en faire. Elle en était consciente, qu’elle pariait sur elle à chaque fois, et c’était peut-être le plus beau pied de nez qu’elle pouvait lui faire. Si seulement elle savait, que sous les traits empruntés de cette Sang-Mêlé se trouvait une Weasley … et pas n’importe laquelle, celle qui avait l’audace d’inspirer sa très chère fille et qui l’accompagnait très régulièrement dans d’extravagantes folies. Il n’en était cependant pas question. Le maintien de sa couverture était primordial. D’ailleurs, le combat avait duré plus longtemps que prévu et il était grand temps qu’elle quitte les lieux. Une dose de Polynectar l’attendait plus loin, dans la pièce dans laquelle elle se changeait avant de monter « sur scène ». Elle n’était pas connue pour s’attarder après une victoire, et pour cause. Il était déjà arrivé qu’un homme la retrouver « dans sa loge » et lui propose de continuer la soirée ailleurs et elle préférait être prête (à dire non ou oui mais au moins avoir l’option de ne pas s‘enfuir en courant).

Elle vida donc les lieux sans demander son reste, alors que l’autre se faisait évacuer pour que le combat suivant commence. Si tout allait bien, elle ferait une apparition sous ses propres traits un peu plus tard, pour brouiller les pistes. Elle n’avait pas pris tant de coups, ou alors à des endroits qui seraient facilement dissimulables, même avec une robe révélant des morceaux choisis de son anatomie. Attrapant une serviette, elle poussa un long soupir avant de tendre la main vers sa fiole de Polynectar (à l’apparence d’une flasque plus qu’ordinaire). La débouchant, elle la porta à ses lèvres … une gorgée ? Deux ? Ses sourcils se froncèrent. Ce n’était pas suffisant pour une heure de plus. Il allait falloir partir immédiatement, pour se retrouver à distance de Monsieur quand la transformation s’opérerait. Il n’y avait heureusement pas d’urgence, elle avait encore au moins une bonne demi-heure devant elle, mais elle détestait jouer avec le feu à ce point, son existence était suffisamment compliquée comme ça. Et si elle avait une chance insolente la plupart du temps, ce n’était pas toujours le cas. Elle avait attrapé la longue cape dont elle se drapait et l’avait jetée sur ses épaules quand elle repéra, du coin de l’œil, une ombre se dessinant sur le sol. Quelqu’un allait entrer. Silencieusement, elle pria pour qu’il s’agisse d’un combattant de la soirée. Ou de Maav. Mais malheureusement, ce n’était pas sa soirée …

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Ca n’aurait pas pu être pire. Dès que la voix parvint à elle, elle sut que ça n’allait pas être simple. Se forçant à l’immobilité, elle prit quelques instants pour se concentrer. Il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Le Polynectar agirait suffisamment longtemps pour la couvrir. Elle était Hazel. Mais … mais elle n’avait pas prévu que la rencontre se produise aussi vite, et pas ce soir-là. Theodora Avery. Le nom suffisait à la faire frémir et à lui faire serrer les poings. Alors la voir, directement … Respirer. Calmement. Ne pas être Ruby. Elle n’était pas Ruby, ici. Elle était Hazel. Et Hazel n’avait rien contre Theodora, bien au contraire. Theodora pariait sur elle. Et l’encourageait, à sa manière. La voix n’était pas un problème, il fallait qu’elle fasse attention. Elle avait suffisamment observée, écoutée et pratiqué devant son miroir pour savoir qu’elle pouvait se faire passer pour elle. Même Jaime s’était laissé berner. Alors elle pouvait duper allègrement la Avery. Prétention ? Sans le moindre doute. Mais chaque face à face avec elle était affrontement. L’enjeu ici était le même … avec infiniment plus à perdre. Je n’aime pas réellement l’attention, déclara-t-elle calmement. Une chose dont Theodora avait du se rendre compte, étant donné qu’elle ne paradait jamais après ses combats, où d’autres aimaient se montrer. La voix était parfaitement maîtrisée, plus rauque que celle de Ruby. Ce n’était pas extrêmement compliqué : surjouant en société, la voix que connaissait la Avery était plus perchée que le timbre naturel de la demoiselle. Je sais qui vous êtes … Madame, ajouta-t-elle rapidement, comme pour excuser sa soudaine hardiesse.

Le fait qu’elle lui tourne autour n’augurait rien de bon. Pour s’occuper les mains, elle sortit des bandages de son sac et entreprit de s’emmailloter les mains. Calmement. Posément. Méthodiquement. La laisser venir. Il ne fallait pas la provoquer. L’adrénaline coulant encore dans ses veines pourrait lui faire dire ou faire quelque chose de stupide. Que voulait-elle ? Elle s’était toujours contentée de l’observer, de loin. Pourquoi ce soir ? Je vous remercie, répondit-elle sobrement à son compliment. Hazel Carter était une femme de peu de mots. D’action. En tous cas, c’était l’histoire qu’elle racontait. Et la véritable Hazel n’était pas là pour démentir, et ne démentirait jamais d’ailleurs. Certains sont plus évidents que d’autres. Pour corser le jeu, on lui opposait des adversaires de plus en plus effrayants, de plus en plus violents, malins, et c’était parfois compliqué. Mais ce n’avait pas été le cas ce soir. Il n’était pas spécialement à la hauteur et elle en avait profité pour se déchaîner, pour faire le show. Ce qui lui avait sans doute valu cette visite impromptue. S’empêcher de se maudire. Terminer la main gauche. Calmement.

Elle manqua de se raidir à la demande de la Avery, et releva furtivement la tête, pour voir qu’elle ne la regardait pas. Que cherchait-elle à lui faire dire, au juste ? Se concentrant de nouveau sur sa main, elle commença par minimiser la chose : Qui je suis en-dehors de ces murs n’a guère d’importance ou d’intérêt, Madame. Pas d’hésitation, elle savait exactement quoi dire. Mais elle n’avait pas envie qu’elle aille fouiller et peut-être même interroger la véritable Hazel en-dehors si elle ne lui donnait pas de réponse satisfaisante d’elle-même. J’élève des hippogriffes. Dans l’exploitation familiale. Un point commun qui l’avait attirée à l’époque. Et une justification pour son attrait pour la violence. Rien d’exceptionnel. Mes combats sont le point culminant de ma semaine. Une échappatoire à son quotidien, qui lui convenait parfaitement pourtant. Il était temps d’essayer de se tirer de l’interrogatoire qui se dessinait. Je vous remercie de votre intérêt. Et de votre confiance. Elle faisait référence aux paris qu’elle prenait invariablement pour elle. Beaucoup se lassent et finissent pas parier sur une potentielle défaite. Mais pas vous. Allez, mords à l’hameçon. Parle de toi.

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Tout cela sentait le piège à plein nez et les instincts de la Weasley lui hurlaient de fuir. Son corps était encore plein de l’adrénaline du combat et ses muscles ne demandaient qu’à la propulser en-dehors de la salle. Ou à la gorge de la Avery. Que ce serait bon, de sentir sa nuque craquer sous ses doigts. Ne pas s’emballer. Ne pas se laisser aveugler. Il fallait qu’elle reste concentrée et immobile, luttant contre cette voix intérieure qui lui disait de courir. Sa vie entière se résumait à cela : se frotter au danger, sous différentes apparences et en réchapper en restant parfaitement maîtresse d’elle-même. Même quand Theodora la … draguait ? Apparences. Jamais la Sang Pur ne s’abaisserait à coucher avec une Sang-Mêlé. A moins que … ? La doute s’insinua dans l’esprit de la jeune femme qui préféra garder le silence en digérant l’information. Ne pas paniquer. Elle n’y parviendrait pas, si on en venait à ça. Il lui était arrivé de goûter aux plaisirs de la chair avec une femme ou deux, de coucher avec des Mangemorts sans en avoir réellement envie, pour essayer de récolter un maximum d’informations, mais ça… jamais de la vie, quand bien même le Polynectar durerait assez longtemps. Ne pas flancher. Elle cherchait la faille. Ses mains étaient bandées et elle n’avait cependant plus d’échappatoire.

J’espère ne jamais vous donner de raison d’en douter. Cela signifierait qu’elle perdrait son score, et son statut d’invaincue et il n’en était pas question. Le risque de se retrouver grièvement blessée était présent bien évidemment, elle jouait avec, mais si cela se produisait et qu’elle sombrait trop longtemps dans l’inconscience … Ne pas frissonner. Elle carra les épaules, signe de bravache, façon de se contenir en réalité. Ne pas la regarder dans les yeux. Hazel ne l’aurait pas fait. Hazel ne voulait pas attirer l’attention, et encore moins les foudres d’une femme de pouvoir telle que Theodora Avery. Continuer de respirer, de jouer le jeu. Ses doigts effleurèrent la lanière de son sac. On l’attendait. Mais elle n’était pas impolie au point de couper la parole à cette femme. Surtout quand elle se proposait de venir chez elle.

Tous les voyants passèrent au rouge dans l’esprit de Ruby. Soupçonnait-elle quelque chose ? Ne pas succomber à la panique. La demande était incongrue, elles le savaient toutes deux. Il fallait qu’elle prenne le temps. Qu’elle la laisse finir de parler. Qu’elle voie où elle voulait en venir. Et rebondir, immédiatement. Contre-attaquer. Elle n’irait jamais très loin. Et même si elle ne pouvait pas en être sûre, il fallait qu’elle se convainque du contraire le temps qu’elle sorte de là. Elle pourrait paniquer après, elle demanderait de l’aide à l’Ordre si besoin et ils monteraient quelque chose pour éloigner la véritable Hazel et sa famille et … mais la draguait-elle ? C’est trop d’honneur, Madame. Pas d’enthousiasme, juste de la retenue. Hazel. Toute en retenue. Elle ne la draguerait pas. Pas frontalement, en tous cas. Il fallait la jouer finement, réfléchir, gagner du temps. Je me ferais évidemment un devoir de vous recevoir si tel est votre désir. Désir. Un mot choisi. Pesé. Mesuré. Continuer. J’ai bien peur qu’un enclos rempli de bêtes majestueuses et pourtant violentes ne soit cependant pas la place d’une femme telle que vous. Flatterie soufflée alors que les yeux se relevaient timidement. Il ne fallait pas se laisser impressionner. Ce n’était que du théâtre et elle avait un rôle à jouer. Quant à chasser, je n’en ai guère eu l’occasion. Baisser les yeux de nouveau, comme considérant sa tenue peu avantageuse, ses mains calleuses, le sang qui commençait déjà à poindre sous les bandes. Peut-être s’était-elle finalement bien blessée. Et j’ai bien peur que vous surestimiez grandement ma compagnie. Je n’entends rien aux conversations ou usages du monde. Rustre. Brute. Et une Sang Mêlé. Une couverture parfaite. Allez, va-t-en. Je ne mérite pas ton attention. Passe à autre chose.

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Ses épaules se relâchèrent et sa nuque se détendit alors que Theodora reculait. Il n’était pas certain qu’elle ne relance pas la machine plus tard, mais pour l’instant, elle semblait abandonner l’idée de venir la voir. Jamais elle ne s’abaisserait à ça, réellement. Sauf si elle avait trop piqué sa curiosité. Mais quelque chose lui disait qu’elle était de toutes les manières trop occupée à d’autres tâches pour faire ça. Il lui faudrait tout de même en toucher deux mots à Xolani, juste au cas où. Elle respirait déjà plus librement. Ses doigts se refermèrent sur la poigné de son sac et elle se retourna pour faire face à la Avery au moment où elle lui faisait une offre … alléchante. Ce n’était pas l’argent qui l’appâtait, en réalité. Mais elle savait même avant qu’elle ne le lui explique de quel combat elle parlait. De quel tournoi. Le pari mis en jeu ne l’intéressait pas, mais il l’avait fait tiquer. Si je gagne ? Que voulait-elle dire par là … ? Le palpitant de nouveau à mille à l’heure, elle essayait de se contrôler. Ne laisser transparaître que ce que l’appât du gain pourrait faire comme effet à une demoiselle pareille. L’Ordre pourrait faire bon usage de ces moyens … Mais surtout, surtout, voulait-elle dire … J’ai entendu parler de ce tournoi, murmura-t-elle d’une voix rauque. Etait-ce Maav qui lui en avait touché deux mots ? Elle ne s’en souvenait pas exactement. Mais elle mourrait d’envie d’y faire ses preuves, se défouler une bonne fois. Bien sûr, elle risquerait gros, mais l’adrénaline procurée par les combats et … Ah ! Et le meilleur : j'y suis. Les mots magiques avaient été prononcés. Se retrouver face à elle. Sur un ring. D’égale à égale. A mains nues … elle en rêvait. Pas toutes les nuits, mais quasiment. Parce qu’elle gagnerait. Et qu’elle la tuerait.

Ses doigts se serrèrent un peu plus et soulevèrent le sac pour le mettre sur son épaule, lui arrachant une grimace. Elle s’était bel et bien blessée. Elle se racla la gorge. Ce serait … trop d’honneur, Madame. Se contrôler. Ne pas jubiler. Elle allait se préparer. Et même si Theodora ne tenait pas parole, elle claquerait tout ce qu’elle avait pour faire partie de cette liste. Personne ne l’arrêterait. Les comptes des familles Weasley et Avery seraient enfin réglés. Quelle que soit l’issue de leur combat. Il fallait qu’elles combattent. Il ne pouvait en être autrement. A la fin. Pour la première place. De faire partie de ces combattants … et de vous affronter. Contrairement à Theodora, elle ne la sous-estimait pas. Elle savait très bien quels instincts se cachaient sous les traits impeccables de cette femme. Il allait falloir qu’elle s’entraîne. Des heures, des jours. Mais elle serait prête. Ses yeux se baissèrent, pour dissimuler la nature exacte de la lueur qui les animait à présent. Il fallait qu’elle s’en aille, rapidement. Mais pas avant d’être certaine d’avoir décroché une place. Il faudra que je me renseigne sur les droits d’entrée. Une pirouette. Pour voir si elle était sérieuse. Elle trouverait à négocier avec Madame, sinon. Mais imaginer que Theodora finance ce qui mènerait peut-être à sa mort, qu’elle désirait plus que tout au monde … c’était jouissif au-delà des mots. Allez. Assure-moi de ton soutien. Pas de fausse modestie sur son niveau versus celui demandé pour l’événement, Hazel était modeste mais plus que consciente de sa valeur. Ce serait … un rêve. Si tu savais à quel point. Il se murmure que les combats de l’année dernière étaient grandioses. Un peu de flatterie ne ferait pas de mal. Allez … Allez.