daily prophet

La Coupe de Quidditch britanique touche à sa fin. Les Hollyhead Harpies sortent vainqueurs du tournoi et la fête bat son plein. La rebellion, elle, murmure (+).
Les tensions montent alors qu'un nouveau revenant est enfermé à Azkaban pour le meurtre "accidentel" de sa fiancée.
Teatime with the Queen : Buckinghamshire est voté le county préféré des sorciers immigrants.



 

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 Une étoile, rien qu'une étoile, perdue dans la fourrure de la nuit. (FB)

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Sujet: Une étoile, rien qu'une étoile, perdue dans la fourrure de la nuit. (FB)    Lun 4 Déc - 2:28


Phaedre monte les marches du perron, trébuchant un pas sur deux. Son corset trop serré, ses talons trop hauts. Ces jurons qu’elle lâche, oubliant la bienséance et la tenue propre à une femme de son rang, sont autant de choses qui accentuent sa grogne. Qu’elle déteste ces soirées mondaines, Phaedre... Les Rosier sont des créatures de l’ombre, et ce genre de futilités ne sont à leurs yeux qu’une perte de temps. Un passage obligé, pourtant. Parce qu’il faut se montrer, rappeler aux autres qu’après des années de rejet, ils sont là, aux avants postes. Prêts à nouer des alliances, à fomenter des complots. A rire aux contacts de leurs frères d’armes, à piétiner ceux qui les menacent. Phaedre, fille aînée, contrainte par ce statut de s’afficher aux côtés de la jeunesse du monde magique. Maebh l’aurait fait bien mieux qu’elle. Mais la cadette est morte, et avec elle, cette aisance qu’elle semblait emporter partout. Ne reste que Phaedre pour porter l’étendard familial, en attendant que les deux derniers prennent la relève.

Ce soir, l’élite du monde magique célèbre la médiocrité. Celle d’un Mulciber passé maître dans l’art de se pavaner. Vivant comme un bouffon, acclamé comme un roi. Phaedre s’indigne presque de ce que ses pairs considèrent comme une réussite. Il n’est ni briseur de sorts, ni éleveur de dragons. Juste bon à divertir la foule et à s’afficher en Une de Sorcière Hebdo. La belle affaire. Les Mulciber sont l’antithèse des Rosier. Mais soit. Le monde a décidé que les purs se devaient d’afficher l’unité, alors Phaedre tait ses critiques et adopte un sourire de circonstance. Elle parvient en haut du perron sans s’être tordue une cheville. Un petit succès qui suffit à redorer un peu son moral entamé. Les portes du hall sont grandes ouvertes, quelques elfes accueillent les invités et s’écroulent sous les capelines et les manteaux qu’on leur intime de ranger. Phaedre suit le mouvement.

Des yeux, elle cherche un visage amical. Un cousin, Cassius, ou une amie, Ariadne. Quiconque, en vérité. Bien des sorciers sont familiers, mais rares sont ceux vers lesquels Phaedre est tentée d’aller. Elle est taiseuse, la sorcière. Un peu sauvage, aussi. Le souvenir ancré dans cette période où les Rosier n’étaient pas les bienvenus. Parias d’un monde qui les prenait de haut. Eux s’en amusent, depuis que le Lord a poussé le clan à la Rose sur le devant de la scène. Ils cherchent des excuses pour justifier des années d’arrogance. Phaedre, elle, n’oublie pas.

Elle avance, encore jusqu’à une salle immense. Tables repoussées le long des murs. Une salle de réception au centre de laquelle dansent déjà quelques sorcières dans les bras de leurs cavaliers. Un peu plus loin, il est là. L’homme du jour, l’héroïque inutile, Roderick Mulciber. Elle ne l’a pas vraiment croisé, ces dernières années. Pas depuis Poudlard, et leurs années communes à Serpentard. Là encore, bien qu’ils soient de la même promotion, ils n’ont jamais fréquenté les même cercles. Phaedre doit bien l’avouer, le peu qu’elle sait du Mulciber, elle le tient de ses souvenirs de jeunesse et des ragots qu’on lui a rapporté. Rien qui ne présente le sorcier sous son meilleur jour. Alors, le voyant, elle grimace un peu, ennuyée.

Le long du mur, elle prend abri, comme une enfant au milieu des adultes. Son père en serait agacé. Elle n’est pas là pour voir ce petit monde évoluer devant elle. Elle se doit d’y prendre part. Mais Phaedre n’est à l’aise qu’en petits comités. Le spectacle, les dorures, les faux semblants et les rires forcés sont autant d’étrangetés qu’elle tente encore d’assimiler. Les autres ont des années d’expérience. Les Rosier doivent encore rattraper leur retard. Alors, pour ne pas rester plantée là, comme une plante verte au milieu de la salle, elle longe le mur et file jusqu’à une table de banquet. D’une main, elle se saisit d’une coupe de champagne, qu’elle prend soin de ne pas porter à ses lèvres. L’ennui ne lui fait pas oublier que le maître des lieux n’a toujours pas porté son toast. Alors, un oeil sur l’horloge et un autre sur Roderick, elle attend. Dans un coin de sa tête, déjà, elle se demande combien de temps il lui faudra rester pour ne pas paraître impolie quand l’occasion de s’éclipser se présentera.
 
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Sujet: Re: Une étoile, rien qu'une étoile, perdue dans la fourrure de la nuit. (FB)    Mer 6 Déc - 1:00


« Ne fais rien qui me ferait sincèrement honte, prévient Kenneth en tapotant le bras de son fauteuil. » Le sourire est agréable. Il a des allures de complicité. Toute l’astuce tient dans le sincèrement car il est entendu que Roderick Mulciber profitera de la soirée pour se distinguer de la pire façon. L’héritier est à demeure et a de quoi célébrer. En somme, un évènement dont l’on devrait causer pour les deux semaines à venir, tout l’or de sa maison dut-il y passer. Et les moyens ont été diligemment affrétés par Imogen. Roderick ne croit pas qu’elle y ait mis beaucoup de son coeur de mère mais, à tout le moins, elle a le sens des convenances et des fêtes réussies au millimètre et à la seconde près. « Ta mère et moi ne ferons qu’un bref passage, nous sommes attendus pour dîner. » La croix portée au calendrier ne vaut pas qu’ils s’attardent tandis qu’un Mulciber ne gaspille jamais une occasion de se montrer. Le fils ne voyait pas les choses différemment. « Et n’oublie pas Ariadne Slughorn. » « Elle sera là ? » Kenneth détecte derechef son intonation ennuyée, ou bien se l’imagine. « Je n’en ai aucune idée. (Il a juste assez de mépris dans la langue pour rappeler qu’il est un homme trop important pour s’occuper d’une chose aussi vulgaire que la liste des invités.) Mais si c’est le cas... » Le menton déjà haut et la poitrine gonflée, Roderick acquiesce ; il n'oubliera pas qu'il est comme fiancé.

Merlin merci, Ariadne ne s'est jamais montrée. Non qu'il la déteste, ils ont assez de patrimoine commun pour que Roderick lui pardonne de lui être enchaîné, mais tout soin porté à une chose qui lui est exogène l'embarrasse jusqu'aux profondeurs. L'égoïsme glorieux, il aime à fêter en toute liberté sa victoire dûment acquise en territoire français.
Ainsi Roderick s’élève-t-il, d'une démarche légère et enthousiaste, de cinq marches sur le grand-escalier en marbre, flanqué par la gauche de son assistant personnel et par la droite d’un homme et d’une femme qui feignent admirablement d’être ses amis. Baguette sur la trachée, il patiente que l’attention générale converge peu à peu vers lui et que les discussions tarissent. Mulciber est trop impatient, bien sûr, pour que le silence soit complet lorsque les voûtes résonnent de son sourire jusque dans le timbre : « Je vous remercie tous d’avoir répondu présent et de sacrifier de votre temps – aux frais de la maison Mulciber. » Un rire ce qu'il y a de plus circonstancié traverse l’assistance. « Jamais je ne me lasse de porter les couleurs britanniques dans ma si modeste discipline et, encore plus, de l'emporter contre nos amis français. » Au plus près du perron, trois sorciers entre deux âges soulèvent leur coupe avec une balafre dans la bouche (qu'ils soupèsent comme un sourire). Le plus grand et le plus solide était son dernier adversaire, et un rival depuis de très nombreuses années. Leur compétition n'a rien de sain ou de stimulant, on ne fait guère que les jeter l'un contre l'autre depuis qu'ils sont en âge de tenir une baguette et de monter sur une estrade. Or, et comme il en a acquis la légende, Roderick n'a pas résisté au plaisir, ajouté à celui de vaincre, de le marquer sévèrement au visage. La plaie n'a pas entièrement dégonflé. Mulciber, ça lui est bien égal ; il déteste les français et tout de la France, à l'exception de leur vin qui tient quasiment de l'alchimie. Les battre, tournoi après tournoi, champion après champion, lui confère un sentiment grisant de sécurité, comme l'on se rassure avec les choses que l'on connait. Il dépense trois autres minutes, de fait, à fustiger et se moquer pour le lustre de briller un peu plus. Enfin, ses pupilles compulsent la foule et ses commissures tirent. « Maintenant, et comme le veut la tradition que j’ai inventée : je vais descendre et célébrer ma victoire avec une première danse. » Une agitation nouvelle bruisse dans les rangs et le rictus se décante : « Et je choisis Phaedre Rosier. » Peut-être ne l’a-t-il remarquée qu’à raison des efforts qu’elle fait pour paraître invisible. Peut-être pas. « Si elle accepte, bien entendu. » N’est-ce qu’à la manière qu’il a de le dire, on sent tout l’honneur que c’est censé être. Et, si ce n’était à son ton, les billes qui, les unes après les autres, accrochent la robe et la figure de Phaedre susurreraient pour lui qu’elle a à peine le choix.
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Sujet: Re: Une étoile, rien qu'une étoile, perdue dans la fourrure de la nuit. (FB)    Mer 6 Déc - 19:29


Les jouvencelles énamourées pouffent à chaque bon mot de Roderick. Leurs comparses masculins ne semblent pas en reste. Chacun s’esclaffe à l’envie, pour montrer au maître des lieux qu’il existe. Finalement, le Mulciber n’a rien de pathétique. Il a compris que sa cour était prête à se plier en quatre pour s’attirer ses grâces. Le spectacle est instructif, et depuis le coin de la salle où elle cherche à se faire oublier, Phaedre apprend beaucoup. Elle, célibataire, triste veuve éplorée avant même d’avoir atteint l’autel, était souvent dispensée de ce genre de sorties, délégant à Maebh le soin de la représenter. La cadette n’avait pas ce besoin absolu de paix et de discrétion tant cher à l’aînée. Il aura fallu la mort de Maebh pour que Phaedre Rosier daigne se prêter aux mondanités plus d’une ou deux fois l’an. Doucement, son retard est comblé. Mais nulle soirée ne vaut celle d’un Mulciber, dit-on.

Quand il parle, on l’écoute. On prend garde de rire au bon moment, de plaire à sa personne, de flatter son égo. Roderick impressionne l’assistance, l’amuse, l’intrigue, la comble. Il joue avec elle comme un dresseur avec ses lions, maîtrise chaque moment sans que rien n’y paraisse. Derrière cette apparente décontraction, Phaedre croit discerner une redoutable préparation. Elle ne rit pas à l’unisson des autres, peut-être trop à l’écart pour réellement se mêler à eux. Alors, quand son nom raisonne, elle se fige, incertaine. Un instant, elle croit rêver. Ses oreilles lui jouent des tours. Mais c’est bel et bien sur elle que Roderick porte son attention. Une danse, il demande. Il exige, presque, tant il semble inconcevable qu’elle puisse lui refuser.

Phaedre jette un regard furtif dans tous les coins, espérant qu’une autre Phaedre Rosier se manifeste. Rien, personne. C’eût été trop beau. Où que ses billes l’emportent, elle ne croise que des regards braqués sur elle. Ses joues teintées de rose, la gêne palpable, elle hésite un instant sur la conduite à tenir. S’enfuir en courant ou surmonter la honte qui s’est emparée d’elle. Craintive comme une biche coincée sous le canon du chasseur, elle fait un bref signe de tête. Elle accepte.

Elle dépose sa flûte de champagne sur la table. Chaque pas semble durer mille ans, tandis qu’elle approche de l’hôte. Phaedre veut disparaître. Jamais tant d’attention ne fut portée à elle, regards braqués sur sa fine silhouette, murmures envieux des grues alentours, jalouses de ne pas être l’aînée des Rosier. Qu’elles prennent sa place, ces péronnelles. Phaedre pourrait leur laisser sans rechigner. Non pas que la proximité avec l’héritier des Mulciber lui soit insupportable. Ca n’est pas lui, le problème, même s’il en est à l’origine.

Sa main saisit celle qu’il lui tend. Un air familier résonne dans la salle. Une musique douce, une valse, peut-être. Phaedre est bien incapable de raisonner comme il se doit. A peine capable de mettre un pied devant l’autre, tout juste bonne à esquisser un sourire aimable à son partenaire. L’harmonie qui s’élève lui donne toutefois la certitude qu’elle ne sera plus entendue. Alors, avec toute l’élégance dont l’étiquette lui demande de faire preuve, elle glisse quelques mots au Mulciber. « Que me vaut cet honneur ? » La question lui semble légitime. Roderick n’aura pas manqué les regards envieux et les mines pincées. Elles sont nombreuses, celles qui souhaitent avoir une main dans celle de l’héritier et jouir de cette soudaine proximité. Phaedre, elle, n’a pas eu le temps de s’étonner de ce choix. La gêne a étouffé la surprise, et il n’y a guère qu’en cet instant que naissent ses premières interrogations. « Peut-être est-ce l’envie de renouer avec la France à travers l’une de ses vagues représentantes ? » Son sourire est sincère, et s’accentue davantage quand ses iris croisent celles du pauvre balafré derrière Roderick. Elle est certainement là, l’explication. Le simple plaisir d’asseoir totalement son autorité sur chaque parcelle de France.

Quelques pas de danse, et Phaedre est soulagée. Les derniers regards persistent, mais d’autres ont déjà gagné la piste, imitant l’hôte et sa cavalière. De se savoir ainsi libérée de l’attention brusquement suscitée semble la libérer d’un poids. Un instant, elle se demande ce que son père penserait de la savoir au bras de l’homme de la soirée. Peut-être serait-il satisfait de voir sa famille ainsi mise en avant. Ou, il lui rappelerait son devoir, sermonnant sa désinvolture à quelques jours de l’annonce de ses fiançailles prochaines. Qu’importe, il voulait qu’elle se montre, c’est à présent chose faite. « Il me semble d’ailleurs que les félicitations sont de rigueur. » Elle ne sait où poser son regard, et s’interdit de dire un mot de plus, soulagée que la danse ne nécessite pas de grands discours. Une danse, et elle pourra de nouveau contempler l’assemblée depuis le fond de la salle. Elle aura déjà fait en quelques minutes bien plus que ce qu’on attendait d’une Rosier.
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Sujet: Re: Une étoile, rien qu'une étoile, perdue dans la fourrure de la nuit. (FB)    Mer 6 Déc - 23:04


Croit-il une seule seconde qu’elle refusera ? Croit-il qu’elle préfèrera l’incommodité et le blâme populaire dès la seconde où elle aura l’audace de décliner ? Il serait tout aussi indiqué de demander s’il croit que le jour se lèvera demain, car penser d’un Rosier qu’il s’infligera un éclairage bruyant est insensé, et Phaedre est assurément la pire de toutes. Accepter est pénible. Mais refuser, allons… Un petit rictus ourle les lèvres de Roderick afin d’attester qu’il se délecte ô combien du spectacle. Les secondes de silence sont intenables mais guère pour lui ; il l’emporte sur tous les versants, quoi qu’il arrive et quoi qu’elle dise. Une once de flottement le saisit néanmoins, quand il estime, à l’instar de bon nombre des autres convives, qu’elle va s’enfuir, courir jusqu’à la porte ou transplaner. Un peu de compassion le mettrait dans l’embarras d’avoir initié un tel piège. Pourtant, c’est ce que c’est : un piège. Il avait décidé avant de gravir les marches. Il avait décidé dès la seconde où il l’a vue, transparente dans la foule, négligeable dans la masse.

« Par Morgane et le Seigneur des ténèbres, elle accepte ! »

Son soulagement grandiloquent est accueilli par des rires plus ou moins fournis et une série de murmures en traînée de poudre. Dès lors, Roderick dépose sa baguette entre les mains de son loyal secrétaire. (Une autre tradition qu’il a initiée consiste à exposer l’instrument de son triomphe bien en vue de toute la salle ; pour la plupart, c’est un moyen d’afficher son ego au-delà des confins et, si c’est assez vrai, Mulciber aime au moins autant prouver qu’il peut déambuler dans ces murs sans avoir le moyen ni le besoin de se défendre.) Il dévale les marches et emprunte le goulot que les trois premiers rangs dessinent à se scinder sous son passage. Il ne patienterait pas qu’elle arrive à lui et les deux héritiers vont l’un vers l’autre comme d’avoir toujours procédé ainsi. Ce qui n’est pas exactement infondé, et cette allégorie n’échappe guère à Roderick.

Il lui sert une révérence, mais sans excès. Il l’entraîne à danser, mais sans précipitation. Ce n’est même pas l’exercice qu’il préfère… Rien qu’une classe obligatoire dans son éducation de caste, et ce n’est pas là qu’il était le plus assidu en dépits des choix sybarites d’existence qu’il a pu faire ensuite. Une valse lente, donc, ou, comme les français le disent, une valse anglaise.
« Tu paraissais t’ennuyer, répond-il de l’honneur. » Bien qu’il ait brièvement envisagé de lui servir du vous, Mulciber ne jouera pas à celui qui n’a pas son âge et le plaisir de la connaître depuis toujours. Ils ont partagé la même enfance et les mêmes bancs, à l’école. S’ils ne se connaissent pas, ils n’en restent pas moins semblables, du moins des semblables. « Ou bien j’espérais me faire pardonner de la France. » Une attention constante mais satellite pour le cadre de ses bras et la marque des temps, Roderick fait une moue qui suggère la validité de l’hypothèse alors, qu’à ce sujet, il néglige plus que nécessaire les liens entre Paris et la famille Rosier. « Les félicitations sont de rigueur, poursuit Phaedre. » « Je te remercie, répond-il sans fausse modestie. Peut-être pourras-tu aller plaider ma cause auprès de ton compatriote… » Au-delà de leur cercle et des duos de danseurs qui escortent désormais leurs arabesques sur le parquet, il y a le vaincu, que le vainqueur ne regarde plus. « J’ai peur que sa rancune soit de rigueur, également. » Un sourire puant de satisfaction martèle dans la chair de la bouche jusqu’à s’y faire un lit.

C’est à intervalles réguliers qu’ils se séparent et se rejoignent, et Mulciber ne manque pas de surprendre le regard fuyant quand lui fait tout pour l’accrocher. « Je suis curieux, fait-il plus bas qu’il n’est besoin pour garder le secret de l'échange. Ce n’est pas la première fois que je gagne un tournoi et fais donner ce genre de fête. Et tu n'étais pas là. »
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Sujet: Re: Une étoile, rien qu'une étoile, perdue dans la fourrure de la nuit. (FB)    Ven 8 Déc - 22:07


L’embarras dissipé, Phaedre laisse son cavalier mener la danse. Elle suit ses pas, parfois maladroite. Manque de pratique, face à l’assurance de celui qui n’en est plus à sa première danse. Phaedre se redécouvre à l’art des mondanités. Ses vieux instincts sortent de leur torpeur, un à un. Elevée dans l’art du paraître, de l’artifice et des faux-semblants. Un domaine qu’elle a trop longtemps fuit, une reprise qu’elle espérait plus douce. Ainsi propulsée dans le grand bain, entre les mains du maître de cérémonie, elle s’étonne de se redécouvrir des talents oubliés. Le sourire aimable, quand il lui verse des banalités. Un rire plus sincère quand il évoque son opposant français. « Je crains d’être, à l’inverse, trop anglaise pour lui. » Elle se surprend à s’amuser, Phaedre, là où elle ne pensait trouver que longueurs et ennui.

L’orchestique les éloigne, puis les rapproche à nouveau. Les efforts de son cavalier pour capter son regard n’échappent pas à Phaedre. Encouragée par l’échange, qu’elle pense moins périlleux qu’escompté, elle plante ses iris dans les siennes. Bien vite, à l’écoute de son verbiage, elle s’en trouve désolée. Comme une invitation à s’aventurer dans des sujets moins futiles, il s’est engouffré dans la brèche. Laissant à Phaedre le choix entre un mensonge facile et une vérité qu’elle ne sait formuler.

Le sourire s’efface, un voile assombrit le regard. Ses apparitions ne sont dues qu’à l’absence d’une autre. Aucun secret, pas de mystères. Une soeur s’en va, une autre prend sa place. Une pensée pour elle, cependant, et son expression la trahit. Un instant, pas davantage. Avec l’espoir que son cavalier n’en perçoive rien. « Ou peut-être que tu ne m’as jamais remarqué. » Un mince sourire sur ses lippes, une contenance qui se refait doucement. Elle n’était pas là, il est vrai. Préférant le silence de sa bibliothèque aux frivolités de ces soirées. Mais un Mulciber ne comprendra jamais la retenue d’une Rosier. Alors, elle élude, la malice glissée dans le regard. Son esprit travaille à chercher un exutoire. Une parole, un geste, qu’importe. Tout ce qui peut lui offrir une porte de sortie convenable fera bien l’affaire. Elle décide, un sourire un peu faux en porte étendard, d’opter pour la nonchalance. « Je suis moitié moins exubérante que n’importe qui d’autre dans cette salle, après tout. Elle glisse cela à voix basse, telle une fausse confidence. Mais ça, tu le sais déjà, tu ne te serais pas donné la peine de m’inviter à danser, autrement. » Sans le rictus persistant à ses lippes, et la petite moue ennuyée qui lui succède, ses paroles auraient pu sonner comme un reproche. S’en est un, quelque part. Elle n’ignore pas qu’elle n’est pas à son bras sans raison. Qu’il l’a choisie pour amuser l’assemblée. Phaedre ne s’en formalise pas, elle connaît trop les règles cruelles de ce jeu auquel l’élite s’adonne.

Les dernières notes résonnent, la valse touche à son terme. Un nouvel air s’élève, au rythme moins emporté. Autour d’eux, des couples se séparent, des duos se forment, d’autres restent en place. Phaedre et Roderick s’adaptent à la cadence de cette musique nouvelle. Elle sent quelques iris lui brûler la nuque. Elle est observée, quelques unes attendent déjà leur tour. « Je crois qu’il est temps de céder ma place. » Désolée ou soulagée, elle ne saurait trop trancher. Déjà, elle marque chaque temps de la valse d’un geste qui la détache de Roderick. Dans un instant, il aura trouvé une autre cavalière, et elle aura regagné la place qu’elle n’aurait jamais cru quitter.

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Sujet: Re: Une étoile, rien qu'une étoile, perdue dans la fourrure de la nuit. (FB)    Dim 10 Déc - 18:11


Les rétines ont enfin accroché mais Roderick n’y lit rien dont il connaisse la langue et l’alphabet. Phaedre et lui se sont trop peu croisés, et jamais rien que cela. Aussi loin que Mulciber s’en souvienne, elle a toujours fait partie de l’horizon ; pas comme un élément insignifiant de son décor, plutôt comme un astre, que le jour dissimule et que la nuit révèle, et, cependant, on avait oublié, à force de le savoir là et de croire qu’il y serait toujours, qu’il trônait aussi haut et brillait aussi fort. « Ne me force pas à dire que je t’aurais remarquée… » L’héritier minaude, comme à son habitude. Mais le pense au dixième. Au quart. Primo, il connaît tous ceux qui se présentent au seuil de la demeure familiale. La plupart étaient de ses camarades et tous les autres ont constitué un entourage, proche ou lointain, qu’il a accumulé tel un trésor. Secundo, Phaedre n’est pas – ainsi qu’elle l’exprime très bien elle-même – de la faune qu’on s’attend à croiser en de pareilles circonstances. Il y a d’autres moments, plus lisses et moins glorieux, où la fille d’Oreste a mieux sa place qu’à des célébrations braillardes sous l’étendard d’un sport presque aussi brutal que le quidditch. Tertio… Elle est plutôt de cette espèce qu’il aime tourner en ridicule, pour leur rigueur et leur austérité dans les occasions que tout le commun trouve extrêmement divertissantes, quitte à être dégradantes. Phaedre a raison à propos de Roderick et Roderick s’astreint à ne pas démentir ; il l’a invitée pour l’éclabousser de lumière et, d’ailleurs, il n’y a pas de véritable raison de s’en excuser.

Frôlé par les scrupules, dirait-on, il étouffe quelque peu la suffisance de son sourire. La sorcière est plus sagace qu’il le croyait, et plus agréable à conduire à la valse, également. Pas prompt à montrer du remord, il est plus preste à faire montre d’envie. Là où les doigts de Phaedre relâchaient sa paume, les phalanges de Roderick gagnent en emprise. Il l’attire près de lui, plus qu’il ne le voulait et plus qu’il n’est permis. La juste distance prend une poignée de secondes à se rétablir. « À toi de me faire l’honneur d’une danse, il murmure dès que son regard revient de la taille où il a posé son autre main. Une seule, c’est moi qui me sers de toi. » Pour amuser la bonne société des sang purs et mêlés de haut-rang, cela va sans être formellement formulé. « Une autre, et c’est toi qui te sers de moi. » Phaedre n’obtiendra pas grand-chose, si ce n’est la marque officielle d’un intérêt quelconque du rejeton Mulciber et une certaine jalousie de la gent féminine ; aucune attention qui soit parfaitement louable ou partiellement satisfaisante. Roderick espère tout de même que ce sera assez pour se faire pardonner sa mauvaise plaisanterie, ou commencer de le faire. « Après ça, tu ne pourras plus retourner te cacher où que ce soit. » Du reste, il est vraiment curieux, ainsi qu’il l’a déjà dit et qu’il le pense de plus en plus.

« Même si ce n’était pas exactement une question, tu ne m’as pas répondu. » Ils poursuivent de danser sous l’attention soutenue de plusieurs, une persécution qui devrait les convaincre de s’appliquer plutôt que de dilapider leur salive. Si seulement Roderick Mulciber était capable de tenir le silence, et si seulement il en avait envie. Une autre fois contre le bien-être des convenances, il penche vers elle : « Et au cas où ce ne serait pas clair, la question n’est pas où étais-tu pendant ce temps mais pourquoi ce soir. » Plus grand, beaucoup plus grand qu’elle, il se redresse et la surplombe avec un sourire si équivoque qu’il n’irait pas bien à un autre homme que lui. « Mais je suis disposé à entendre une réponse aux deux. » D’où lui vient ce soudain intérêt ? Il ne saurait le dire. Il ne s’intéresse pas aux femmes comme Phaedre.


Dernière édition par Roderick Mulciber le Mer 13 Déc - 0:24, édité 2 fois
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Sujet: Re: Une étoile, rien qu'une étoile, perdue dans la fourrure de la nuit. (FB)    Dim 10 Déc - 22:11


Cette ritournelle qui les emporte au milieu de la piste, Phaedre ne l’entend plus que d’une oreille distraite. La danse est devenue un prétexte, pour lui comme pour elle. Excuse pour laisser sa main glissée dans celle de son cavalier. Pour accrocher son regard noir quelques instants de plus. Phaedre n’a jamais été assez proche de lui pour percevoir la profondeur de celui-ci. Hypnotique, dévorant. Elle comprend, à présent. Et se laisse charmer par cette invitation à rester. Quand il l’attire à elle, ses joues s’empourprent légèrement. L’instant d’après, à une distance plus respectable, elle resserre à  nouveau son emprise sur la poigne du Mulciber. Combien de filles sont tombées dans son piège à la seule lueur de ses yeux ? Elle n’est pas naïve, Phaedre, et sait que ces femmes sont trop nombreuses pour être comptées. Alors, sans jamais faire taire cette voix dans sa tête qui l’intime à la prudence, elle affiche un sourire de circonstance. « Alors permets-moi de te retenir encore un peu. » Sa main libre délaisse le coin de l’épaule où elle s’était posée pour remonter davantage. « Et il n’y a pas que de mauvaises choses à ne pas vouloir être vue... »

Les regards sur elle se dissipent à nouveau. Pleines d’espoirs évanouis, celles qui désirent prendre la place de Phaedre ont battu en retraite. Malgré la foule qui les entoure, et les quelques curieux qui les suivent encore, la sorcière ne prête attention à nul autre qu’à Roderick. Et lorsqu’il revient à la charge, elle a le sourire gêné de celles ne veulent pas répondre. Pourtant, il insiste, et insistera peut-être encore, tant que sa réponse ne lui est pas connue. La proximité qu’il établit entre eux l’invite aux confidences. Et Phaedre de s’exécuter, avec ce même ton hésitant de ceux qui se confessent. « Parce qu’il y a un temps pour tout. Un temps pour le deuil, et un autre pour… Sa main relevée, elle fait un léger moulinet pour désigner la pièce Ca. » Elle se recule, juste un peu, pour rétablir ce semblant de distance qu’il a déjà compromis par deux fois. Cette moitié de réponse n’en est pas vraiment une. Il y a peu encore, les Rosier n’étaient que des purs de seconde zone. Un clan puissant, mais regardé de travers. Comme s’il valait moins, comme s’il souillait ceux qui s’y associait. Et puis, Voldemort leur confia un Horcruxe, et soudainement, on ne jurait plus que par eux. Roderick le sait sûrement, les Mulciber, s’ils sont si populaires, sont regardés par d’autres avec ce même dédain qu’ont si longtemps essuyé les Rosier...

« Et pourquoi ce soir ? » Son visage s’illumine d’un éclat espiègle, d’un sourire lumineux. Elle ménage son effet quelques secondes, puis reprend, amusée. « Parce qu’on dit que l’alcool à la table d’un Mulciber est incomparable. Et que j’entends utiliser mon don d’invisibilité pour disparaître avec tes meilleures bouteilles. A coup sûr plus distrayantes que la plupart des personnes présentes à mes yeux... » Elle ne plaisante qu’à moitié. Les Mulciber, et Roderick en particulier, sont connus pour leurs fêtes mémorables. Où l’alcool est aussi bon que les femmes sont faciles. Qu’elle disparaisse un moment, une bouteille pour seule compagnie, est une option qu’elle a dans un coin de la tête depuis la seconde où elle a franchit les portes de la demeure. Être ici, sans vraiment l’être. Faire acte de présence sans pour autant s’incommoder de cette assemblée à laquelle elle n’a rien à dire. Rendre Roderick à ses jeux futiles et retourner à la douceur d’un clair de lune. « Je doute que ma présence manque à quiconque. Et qui sait, peut-être que je pourrais te débarrasser de ce pauvre français. » Elle quitte à regrets les prunelles du brun pour les poser sur le balafré, bras croisés, mine revêche.

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Sujet: Re: Une étoile, rien qu'une étoile, perdue dans la fourrure de la nuit. (FB)    Mar 23 Jan - 22:22


Comme nul n’ignore la perte des Rosier (et que, du reste, Roderick connaissait mieux – quoi que mal – Maebh que sa sœur aînée), l’héritier Mulciber se satisfait de la réponse versée à sa curiosité. Du moment que Phaedre n’est plus au deuil… Car son cavalier est toujours indisposé par les évènements tragiques et les hasards graves. Ou, autrement dit, toutes les formes de responsabilité. L’inconséquence totale lui va mieux, de même qu’une audace mal dégrossie dans sa bonne éducation. Un air canaille lui sied. La crasse insouciance, aussi. Ça, les alcools, les mets, les ragots, c’est lui. Pleinement. Un automate de vanité et d’orgueil arrosé par l’ambroisie, et il est si complètement épris de sa légende et de ses habitudes qu’il ne pense pas une seule seconde à s’offusquer. Ce serait une insulte qu’il y verrait l’ombre d’un compliment.

« L’alcool à la table d’un Mulciber est incomparable, il se presse d’acquiescer avec un sourire éclatant. » Ses parents, plaisants et complaisants qu’ils sont, ne sont pas regardants à la dépense quand il s’agit de recevoir, en témoignent la nourriture à foison, les verres pleins jusqu’au bord et le nouveau costume sur-mesure du rejeton. Le fils  se pavane comme on l’attend, presque aussi prévisible que Phaedre Rosier qui s’évanouit dans les frondaisons d’une foule de courtisans, seconds-couteaux, d’hommes et de femmes au comble du précieux. « Tu es dure avec eux, il récrimine d’une voix insensible. » Certains ont de la conversation. La plupart sont futiles, comme lui. De sorte qu’on l’entend presque chuinter, faussement offensé et tout à fait complice : tu es dure avec moi. « Mais il est vrai que le vin est bien meilleur. (La preuve en est que Roderick aime mieux siphonner un galon de liqueur que d’échanger des babillages avec ceux-là de sa race.) Et le champagne… ! Il faut que tu goûtes au champagne. »

L’intermède s’achèvera bien avant. Ils n’ont aucune raison de le proroger. « Je ne comprendrais jamais ce que les femmes trouvent aux français, soupire doucement Roderick. Surtout à celui-là. » Ses yeux convergent, à leur tour, vers son ancien adversaire, et vaincu. « Je me suis pourtant arrangé pour qu’il soit désagréable à regarder… » Une pointe de jalousie paraît remuer le vernis et le masque, même si Mulciber ne serait pas fâché que ce faciès peu enthousiaste – et français ! – disparaisse de sa vue. Avec Phaedre ou une autre. Il n’aura pas l’épilogue, cependant, quand la cadence se rompt encore et que le rythme de la soirée les sépare. « Si tu comptes vraiment me voler, je te conseille le cellier du premier sous-sol ; personne n’y va jamais. » Il est allé souffler à son oreille puis la bouche dégringole jusqu’au dos de la main, qu’il embrasse du bout des lèvres. Son sourire, d’une complicité parfaitement déplacée, se meurt à peine qu’il est entraîné dans d’autres bras.

Plus tard.

Elle pourrait avoir disparu. Pour de bon. Après qu’elle a fait acte de présence, Phaedre pourrait être rentrée chez elle, où qu’un tel endroit se trouve, et n’avoir pas compris (ou, plus certainement, décliné) l’invitation masquée. À la distinguer dans les lumières voilées du cellier (qui est, en vérité, à la fois un bureau et un boudoir où son père reçoit parfois quelques amis sophistiqués avec du tabac rare et de l’excellent whisky pur-feu), Roderick est en partie soulagé de n’avoir pas été… ignoré. « Je pensais que tu aurais peur de t’aventurer jusqu’ici. » Il finit lui-même par entrer. « Ou je pensais te trouver totalement ivre dans ce fauteuil. » Au-delà de l’héritière, il désigne le fauteuil préféré de Kenneth Mulciber, dans le coin près de la cheminée. « Une de ces deux propositions est vraie, il ajoute avec beaucoup de sérieux en lançant une oeillade aux rangées compactes de bouteilles de toutes les sortes et de tous les liquides. Tu as décidé ce que tu comptais voler ? »
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Sujet: Re: Une étoile, rien qu'une étoile, perdue dans la fourrure de la nuit. (FB)    Ven 26 Jan - 0:22


Le temps d’une soirée, Phaedre a troqué le costume de l’héritière au sourire effacé pour celui de la douce idiote qui veut bien se laisser approcher. Demain, au souvenir de Roderick, elle le trouvera toujours aussi imbuvable. En cet instant, elle se plait pourtant à le trouver séduisant. Poussée malgré elle sous les projecteurs, elle saisit cette occasion de baisser sa garde. Phaedre n’a pas trente ans, mais sa jeunesse est déjà derrière elle. Une nuit d’insouciance n’est pas trop cher payée. Alors elle danse, se laisse porter au rythme de la musique, laisse à son cavalier le soin de marquer les temps. Elle esquisse un sourire ou s’esclaffe plus franchement. S’autorise à dévoiler une part d’elle qu’on ne lui connait pas. Cette Phaedre là surprend par son aisance. Un temps, seulement. Parce qu’elle sait que sitôt cette danse achevée, elle retournera dans l’ombre, là où est sa place. Être l’objet de tous les regards est éreintant. Conserver ce masque est un exercice fragile auquel son cavalier est rompu, lui. Quand vient le temps de se séparer, elle sent son souffle à son oreille. Devine l’invitation, rougit un peu, peut-être. Un baiser sur sa main et le voilà emporté par la première venue. Phaedre est doucement poussée hors de la piste. Séparée de son partenaire, elle échappe désormais à toute forme de considération. Il est celui sur lequel se porte l’attention. Elle est cette distraction passagère qu’on oublie sitôt qu’on porte le regard ailleurs. Alors, silencieuse, elle retourne longer le mur. Une minute ou deux, peut-être. Et déjà, elle se rêve ailleurs. L’instant d’après, elle fait ses adieux aux danseurs et quitte la salle de réception. Dans un coin de sa tête résonnent les conseils de son hôte. Elle s’éloigne du tumulte du rez-de-chaussée pour s’enfoncer dans la quiétude des sous-sols. Une volée de marches, un large couloir. Même dans les entrailles de la demeure, la décoration se veut outrancière. Elle ignore où ses pas la mènent, mais se doute que ces pièces ne sont pas réservées au seul usage familial. Tout vise à impressionner l’invité qui parcourt ces longs corridors. Et Phaedre de mordre à l’hameçon : envolée la belle assurance, la crainte qui naît au creux de son estomac lui fait redouter de tomber sur celui qu’il ne faudrait pas. Un instant, elle songe à faire demi-tour. Et se ravise, portée par une folie qu’elle ne se connait pas. A l’écho de ses pas ne répond que le rythme effréné de ses palpitations. Elle tend l’oreille, mais le vacarme d’en haut ne lui parvient même plus. Elle pourrait tout aussi bien être seule au monde. Les battements de son coeur retombent quand elle pénètre dans le cellier. Le myocarde a compris qu’il n’avait rien à craindre au milieu des bouteilles. Fascinée par sa découverte, Phaedre esquisse un sourire. Il n’a pas menti, Mulciber.

Plus tard.

Au spectacle hypnotique d’une collection qui laisse interdit, Phaedre accorde le temps qu’il faut. Elle, fille de bonne famille, élevée dans l’exigence, l’opulence et le raffinement, ne peut qu’admirer un tel choix de spiritueux. Son père se damnerait pour posséder une cave aussi belle. Une demi-heure, une heure. Plus, peut-être. Qui sait depuis combien de temps elle voit défiler les étiquettes, quand la voix de son hôte la sort de ses rêveries. Elle lui répond d’un sourire coupable, ayant perdu la notion du temps. Elle s’amuse, aussi, de lire la surprise dans son regard. Sans doute la pensait-il partie depuis longtemps. Peut-être devrait-elle être partie. « Est ce que je dois avoir peur ? » Elle interroge, vaguement amusée, mais le souvenir de l’appréhension qui la gagnait à chaque pas dans ce couloir lui revient en tête. Elle chasse l’idée pour une autre plus séduisante: elle est ici en qualité d’invitée, ou presque. « La soirée est encore longue, ne désespère pas, j’aurai tout le loisir de m’écrouler dans ce fauteuil plus tard. » Le sourire s’accentue alors que l’image se fraye un chemin dans un coin de sa tête. Il s’estompe quand Roderick se fait plus sérieux. Elle s’avance vers lui, ses doigts fins glissant d’une bouteille à une autre, la mine concentrée, comme si la question appelait à une réponse déterminante. Elle s’arrête à quelques pas du Mulciber, ses yeux plantés sur lui, son index pointé sur une bouteille. « Lui. » Elle déloge la bouteille de son étagère et la présente à son hôte. « Un Sauternes, 1964, pour commencer. Une grande année, tu ne diras pas le contraire. » Elle dépose délicatement la bouteille sur une table toute proche. Pudique, elle tourne le dos à Roderick, pour qu’il ne voit pas la manœuvre qui suit. Elle remonte un pan de sa robe jusqu’à mi cuisse, pour libérer sa baguette, prisonnière contre sa peau. L’instrument est toujours dissimulé là, jamais trop loin, toujours discret. Elle laisse retomber le tissu et pointe sa tige de bois sur le bar à l’autre bout de la pièce. Deux verres viennent à elle, pour se poser à côté de la bouteille. Un dernier sort et le bouchon n’est plus. Elle sert le précieux nectar et s’empare d’un verre qu’elle garde près d’elle, avant de tendre le second à Roderick. « J’ose espérer que tu ne comptais pas me regarder m’enivrer sans rien faire ? » Le sourire est à peine perceptible, le faux reproche qu’elle lui adresse ne vise qu’à pousser plus loin ce jeu qui tait son nom. « Je dois te prévenir. Toute une jeunesse au cabaret, à tromper l’ennui au coin du bar m’ont rendu étonnement résistante. » Elle s’avance d’un pas, baissant la voix pour feindre une confidence. « Je suis prête à parier que tu finiras ivre dans ce fauteuil avant moi. » Un défi, ou une invitation à pousser plus loin cette promiscuité improbable.


Dernière édition par Phaedre Rosier le Mer 31 Jan - 14:35, édité 1 fois
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Sujet: Re: Une étoile, rien qu'une étoile, perdue dans la fourrure de la nuit. (FB)    Lun 29 Jan - 21:54


Si elle a à craindre, ce n'est pas de lui. Roderick s'est adouci comme ses amis ne le reconnaîtraient pas. Ou mal, par un curieux jeu de miroirs déformés. Il est curieusement flatté, et troublé, qu'une femme comme Phaedre ait accepté de frayer avec sa mauvaise réputation aussi loin dans la demeure familiale. Bien sûr, et pour la plupart, Mulciber a bonne presse. Il est l'enviable, plein de vernis, plaqué or. Beau. Riche. Célèbre. Aucune qualité qui paraît digne d'intérêt pour une Rosier – et il ne pensait pas en avoir quelque chose à faire. Pour être plus sûr de l'importance qu'il accorde aux avis de Phaedre, il l'observe avec attention tandis qu’elle flâne parmi les bouteilles savamment accumulées par son père. Lui-même entre rarement. Par pure provocation ou les nuits de totale ivresse. Ce soir, pourtant, il éprouve une tranquillité inédite à hanter ces quatre murs, imperméables à l'agitation des étages. Pourrait-il se passer de l’effervescence de la fête plus d’une minute ? et d’être au coeur de toutes les conversations plus d’une seconde ?

« Pour commencer ? s'amuse Roderick. » Ses lèvres offrent un sourire narquois à celle que, définitivement, il ne connait pas alors qu’ils se fréquentent depuis toujours. Comme tous les rejetons de leur qualité, c’est entendu, mais eux se sont, quoi qu’autrement, côtoyés davantage. En un sens, ils ont dû savoir, et ça depuis tout le temps, qu'on espérait lier leurs deux existences. Est-ce la raison pour laquelle ils se sont constamment évités avec autant de méthode ? ou bien ils étaient différents dès le jour de leur naissance, si opposés, diamétralement opposés, qu'ils se voyaient comme de parfaits étrangers, étrangers de mœurs, de langue et de destinée ? Les créatures comme Phaedre n'attirent pas les pupilles avides de Roderick, car elles aspirent à la lumière la plus totale et rien ne semble choyer plus étroitement la belle qu'une nébuleuse obscurité. Il est surpris de sa spontanéité, et de son aisance. Ils se sont toujours connus mais jamais appris ; qu’est-ce que ce soir a de changé ? « J'ai horreur de ne pas partager, il répond en riant par le regard et en attrapant sa partie du breuvage. C'est tellement impoli… » Le verre est porté à hauteur des narines et les effluves de vin sont étudiées avec beaucoup d'impertinence et une certaine expertise. « Cela étant, se permet-il de faire remarquer, je crois avoir une avance considérable sur toi... J'étais à peine descendu de l'estrade qu'on commençait déjà à fêter la victoire. » Au plus grand déplaisir de son médicomage sportif. Lui désobéir était néanmoins trop tentant et tellement... Roderick Mulciber. À la lumière de la présence de Phaedre, ce soir, ici, et de ce qu'elle dit de ses prouesses au bar du cabaret de sa famille, il n'est plus entièrement sûr de ce que ça signifie. Comme s'il ignorait qu'elle travaillait là-bas ou que l'endroit portait son nom. Qu'importe, dit le bouillon éthylique dans son ventre tandis que les remugles s'accompagnent d'étincelles différentes. « Tu me mets véritablement au défi ? » Le sourire est impeccable mais les sens sont étourdis. Comme si c'était la solution logique, le seul remède, Roderick engloutit deux longues gorgées qu'il fait rouler sous sa langue bien moins longtemps qu'il le faudrait pour déguster. « Inconsciente.. » L'expression imprimée au faciès est si rieuse que ce ne peut être une insulte et il va s'installer sur le fauteuil avec les gestes de celui qui en apprécie les coutures et le confort avant de s'échiner à s'en emparer. « De quoi j'aurai l'air si je gagne et qu'on nous retrouve, toi ivre et moi à… » La figure de Roderick se ferme sous une épaisseur de malice et, plus subtile, d'appréhension. En d'autres termes : qu'est-ce qu'ils font... ? Il doit décider qu'ils le trancheront plus tard (jamais) parce qu'il enchaîne très vite : « Tu étais forcée de choisir du vin français, dit-il dans la langue de Molière, n'est-ce pas ? »
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