Baby look at me - Arthur (Délai: 26/12)

It's been a long time coming

La scène est vide. La salle également. Pour le moment. Les pas d’Arthur résonnent dans le silence écrasant. Chacun d’entre eux poignarde son cœur qui bat douloureusement à ses oreilles. Chacun d’entre eux lui murmure qu’il ne devrait pas, que c’est une trahsion. Chacun d’entre eux susurre que lui n’est pas mort, que les autres sont encore vivants, qu’il faut avancer. Et quand il n’en peut plus, quand il est sur le point de se mettre à crier, hurler pour ne plus les entendre, avant que son crâne n’explose, il arrive devant le micro. Ses doigts effleurent le métal, glacé. Comme le corps de Kai quand il l’a secoué, lors de cet ultime concert. Par flashes, il revoit son visage, figé. Ses doigts, ouverts, qui laissent échapper le précieux amplificateur de voix. Il ne se souvient plus des sons. Pour lui, il n’y avait que le sang qui battait ses tempes, ses oreilles, l’empêchant d’extérioriser, l’empêchant de se concentrer, de réaliser ce qui était en train de se produire. Ses paupières se ferment, comme pour chasser les images, pour les ignorer. Et cela fonctionne. Pas immédiatement, bien sûr. Mais il sait comment les éliminer, maintenant. Cela a pris des mois, des mois à hurler la nuit, à se réveiller, en sueur, à traîner des pieds pour aller en studio, à bloquer, chaque fois qu’il prenait le micro. S’il y a eu un déclic ? Absolument pas. On vous dira que seul le temps permet de guérir certaines blessures. Mais celles-ci sont si magnifiquement agencées qu’il semble impossible qu’elles cicatrisent un jour. Et pourtant …

Home … Il n’a pas bougé. Mais ses lèvres sont à parfaite hauteur et, alors qu’il commence à se chauffer la voix, la magie opère. Pas celle venant de sa baguette, non, l’autre. Impalpable, vieille comme le monde, plus ancienne sans doute, celle qui rassemble, retourne les foules, remplit les salles, adoucit les mœurs … même les siennes. Il s’est rendu à l’évidence. Sa vie, c’est la musique. C’est comme ça que tout a commencé, c’est comme ça que cela s’est terminé pour Kai. Et comme ça que ça doit continuer pour lui, pour eux. Il n’est pas seul. Ils sont un groupe, une entité qu’ils ont fondée à Poudlard, à l’issue de castings plus improbables les uns que les autres. Alors oui, avant ils étaient deux, à tracer des plans pour le futur. En tout bien tout honneur, comme deux potes montant leur affaire ensemble. Leur affaire … Après la mort de Kai, dès que leur manager avait réussi à le convaincre de monter sur scène à sa place, pour continuer … le succès avait été fulgurant. Leurs débuts étaient déjà prometteurs bien sûr mais … et tout s’est accéléré. Le second album, il venait de le finir, paroles et musique quand « l’accident » était arrivé. Il n’avait plus eu qu’à sauter en studio et tout avait repris. …the place where I can go … Mais après ça… Après ça, il a été incapable d’aligner deux mots. Deux notes. Un cauchemar pour le groupe en plein essor. Et plus on l’avait poussé, plus il s’était braqué, plus il s’était perdu. …to take this off my shoulders… Pas dans l’alcool, trop odorant et trop visible. Pas dans les filles, ni dans les garçons, il n’avait jamais été vraiment doué pour ça, même si cela se bousculait pas mal au portillon depuis que le nom d’Arthur Fawkes était passé de l’ombre à la lumière. …someone take me home.

La drogue. Sa main tremble légèrement et il serre le poing, libère ses doigts, recommence. La drogue. Les belles paroles des partisans du Lord. Autant de nouveaux compagnons qui peuplent ses journées et ses nuits. Il n’a plus la main sur les textes, même si on lui a déjà fait des suggestions … étranges. C’est une perle qu’ils ont découvert, tout à fait par hasard. Briar, il la connaissait à ce moment-là de loin, la protégée de Roxie, ni plus ni moins. Il ne s’intéressait plus à personne. Jusqu’à ce qu’il voie ses chansons. Qu’il la convainque d’écrire pour eux. En interprétant un de ses morceaux. Une partie du puzzle que compose son âme est revenue en place, ce jour-là, quand il a joué et chanté pour la fragile poupée cet air-là, celui qu’il est en train d’égrener, calmement. someone take me home. Sa voix se brise sur la dernière note et il se passe l’autre main, celle du micro, dans les cheveux. Il lui faudra une dose de plus, ce soir-là. Il ne vit plus de nouveau depuis qu’ils sont revenus. Il l’a guetté. Longuement. Il a espéré. En vain. Qu’il rentre à la maison. Qu’il revienne. Il lui aurait tout laissé. Le micro. La scène. La lumière. Pour le revoir. Même s’il aime ça, même s’il en a besoin pour ne pas sombrer, que Kai revienne … Mais que ferait-il ? I found no cure for the loneliness. Il nettoierait probablement les toilettes des salles de concert, comme son jumeau. Caliban. Il ne peut pas arrêter, parce qu’il y a Caliban. Et qu’il n’a pas envie de finir comme lui. Malgré tout l’amour qu’il lui porte, cet amour inconditionnel et pourtant, si distant. I found no cure for the sickness. Alors il monte sur scène. Il se gave des cris. Des chœurs. De l’attention. De la musique qui coule, qui le fait se sentir vivant. Nothing here feels like home. Alors même si certains jours sont difficiles, même s’il ne sait pas exactement  où il va ni comment, il avance, un concert à la fois, un jour à la fois. Et il se construit. Can someone please … ?